Problème de cire : bilan et solutions possibles
Quel bilan peut-on tirer de tout cela ?
Le bilan est simple : les cires gaufrées que l’on introduit dans nos ruches sont en très grande partie contaminées à des degrés divers par une multitude de polluants d’origine humaine (anthropique) qui interagissent négativement entre eux par synergie et affaiblissent les défenses immunitaires des larves et des abeilles. Celles-ci deviennent alors plus fragiles et sensibles aux maladies.
Certaines matières actives comme le fluvalinate (Apistan) potentialisent l’action de certains pesticides.
La présence de Coumaphos dans les cires est stupéfiante. Cette molécule très dangereuse, a été utilisée il y a quelques années dans le traitement contre le varroa puis interdite en France étant donnée la quantité importante de résidus produite et la dangerosité de ceux-ci.
Cela laisse supposer que certains apiculteurs utilisent frauduleusement ce produit et n’hésitent pas à recycler de la cire contaminée que cette molécule provient de lots de cire importés de pays où le traitement par Coumaphos est encore autorisé ou encore que ce produit est utilisé à d'autres usages et qu'il contamine l'environnement..
Quelles solutions peut-on apporter à ce problème ?
1. Eviter de stocker des pains de paraffine au-dessus du bac de fonte. Ceux-ci pourraient tomber « malencontreusement « dans le bac et dénaturer la cire.
2. Trier très sérieusement l’origine des cires que nous fournissons en précisant bien au cirier s’il s’agit de cire d’opercules, de cadres de corps ou de hausse. Mais il faut alors que le cirier en tienne compte ce qui est rarement le cas.
(cf article de Didier Mouchet dans le TU ici
3. N’apporter au cirier que de la cire d'opercules à façonner. Même si elle n’est pas exempte de produits exogènes comme le thymol. Mais cela risque d’entraîner une importation massive de cire étrangère pour compenser le manque dû à l’absence des cires de corps et de hausse françaises.
4. Se regrouper entre apiculteurs pour fournir une quantité suffisante de cire d’opercules au cirier afin qu’il la traite dans un lot particulier. Il faut cependant collecter entre 80 et 150 kg de cire d’opercules ce qui, pour des apiculteurs possédant deux à trois ruches en année de faible production relève de l’impossible.
5. Gaufrer sa propre cire d’opercules à l’aide d’un gaufrier personnel mais cet appareil est très onéreux. Il faut compter plus de 1 000€. Pour un ou quelques apiculteurs amateurs qui ont besoin d’une quinzaine de feuille par an le coût est élevé.
6. Utiliser des cadres en plastique. Une fois enduit d’une très fine pellicule de cire, les abeilles se résignent à finir de le cirer. Mais, pour un apiculteur « proche de la nature » on peut faire mieux.
7. La dernière solution consiste à utiliser le cadre à jambage. Celui-ci, renforcé par une diagonale de bois est bâti entièrement par les abeilles. Celles-ci, ont alors le choix d’élever un ratio mâles / ouvrières selon leurs besoins. Ce cadre à jambage n’est pas nouveau. Les problèmes de cires contaminées le remettent à l’honneur. Comme quoi les recettes d’antan ont parfois du bon.
Néanmoins, la cire gaufrée a le « mérite » de limiter la ponte de mâles et de favoriser celles des ouvrières donc de renforcer une population d’abeilles « utiles » à la production de miel .
Le fait de laisser bâtir en bâtisses libres libère les abeilles de cette contrainte et permet d’élever du couvain de faux-bourdons selon les besoins. La consommation en énergie est nécessairement supérieure car n’oublions pas qu’il faut 8 à 10 kg de miel pour construire l’équivalent d’un nid d’abeilles d’une colonie moyenne. D’autre part, l’augmentation de la production de mâles et leur présence dans la colonie augmentera encore cette consommation car un mâle « ça mange » !
L’autre problème que pose la production de mâles est la gestion de la population de varroas dans la colonie. En effet, chacun sait que les fondatrices varroas préfèrent nettement le couvain de faux-bourdons pour pondre leur progéniture. Ce qui n’est pas sans conséquence au niveau sanitaire. Il faut régulièrement en éliminer une partie. L'inconvénient devient alors un moyen efficace et biotechnique dans la lutte contre cet acarien.
Un avantage, parmi de nombreux autres, du cadre à jambage se situe au niveau de la maîtrise de l’essaimage. En effet une colonie qui bâtit est moins encline à essaimer. Au moment où le nectar est abondant celui-ci stimule les glandes cirières des ouvrières. La colonie disposera d’un nombre conséquent d’ouvrières dont l’instinct les poussera à bâtir. Si celles-ci n’ont rien à bâtir, le nectar rapporté va engorger davantage le nid à couvain et, quand celui-ci sera entièrement bloqué provoquera l’essaimage.
Cela compense avantageusement l'éventuelle « perte » de production due à la construction complète des rayons. En effet, une colonie qui n’essaime pas produira plus qu’une colonie qui s’est vidée de la moitié de ses abeilles. Les provisions seront plus abondantes et la nécessité de nourrissement diminuée. On peut aussi penser qu’une colonie plus en équilibre sera moins fragile face aux agressions sanitaires et extérieures.
A lire le dossier adressé par Philippe H sur le cadre à jambage ici
Conclusion.
La gestion des contaminations des cires est loin d’être un problème anecdotique.
La dégradation de notre environnement par l’emploi massif de produits phytosanitaires et l’arrivée de varroa dans les années 80 entraînent une profonde mutation des conduites apicoles.
Nous sommes à la croisée des chemins et nous, apiculteurs amateurs, il nous faut dépasser le seul objectif de la production de miel pour faire le choix le plus adapté à la survie de l’abeille tout en recueillant le fruit de notre passion. Nous devons aussi proposer des produits de la ruche les plus naturels, les plus sains et les plus respectueux de nos abeilles, protéger et respecter cet insecte intimement lié à la vie sur terre.
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